Bonjour à vous,
Pour cette nouvelle saison des petites histoires, The Pier Ave Collection, j’ai gardé l’authenticité et la fréquence énergétique joyeuse, si profondément humaine, qui habitent dans ces histoires de bonheur. J’y ai rajouté un soupçon de vérité : les situations, les mots, les désillusions qui nous font avancer sont tous entrés dans ma réalité.
Ce que vous allez lire ci-dessous n’est pas une fiction. C’est ma réalité. Ma perception de celle-ci. Elle décoiffe un peu le cœur… mais bon, la Lumière est toujours là.
Belle balade dans les sentiers de l’amour.
“Maman, j’ai bien réfléchi et je n’ai plus envie d’être juif.”
Tu connais cette phrase qui te fait l’effet d’une balayette derrière la nuque ? J’imagine, l’espace d’un instant, les corbeaux de mangas dessinés au-dessus de ma tête, chargés de jugements.
Nous sommes en route pour la piscine. Le soleil brille de mille feux sur l’une des plus belles villes du comté de Los Angeles. Je garde le silence en marchant. Toi, tu me fixes. Tu attends une réaction, qui ne viendra qu’une fois que je me serai reprise en main.
Nous approchons. L’océan nous accompagne sur la droite. Comme j’aime cet endroit. Ocean Drive est encore vide : rien que l’essentiel, le ciel, les arbres et l’eau.
C’est là que tu reprends, las d’attendre que je parle :
“Tu comprends, maman… moi je sais qu’on est gentils, et que ceux qui nous veulent du mal ne nous connaissent pas et, qu’il ne faut pas leur en vouloir, comme tu dis. Mais moi, je veux vivre ma vie.
Je n’ai pas envie de cacher qui je suis.
Et quand je le dis, je vois bien que tu as peur. Tu répètes sans cesse : Ne raconte pas qu’on mange cacher. Ne dis pas d’hébreu dehors. Ne réponds pas si on te demande à l’école si tu es juif. Moi, je ne veux pas vivre en n’étant pas moi.”
Et hop, une gifle — celle-ci en plein visage,
doublée pour la peine. Décidément, ce matin, la pleine lune doit bien être en rétrograde, coincée quelque part entre Pluton, Saturne, Mercure et tout le tintouin.
P… retiens-toi.
“Punaise…” je souffle doucement.
Le moment est passé.
Tu cours déjà dans les couloirs de l’hôtel que nous aimons tant, ce petit terrain de luxe qui nous sert de refuge. Je t’appelle pour te rappeler de passer aux toilettes avant d’aller retrouver ta précieuse amie Aurora.
Des embrassades, quelques boutades et un smoothie au peanut butter plus tard, ton plongeon dans l’eau salée et chlorée me tatoue un sourire immense au visage.
Que je t’aime. Je te le répète vingt fois par jour, mais c’est vrai. Putain, qu’est-ce que je t’aime.
En marchant vers la voiture, nos shorts et tee-shirts encore trempés par nos maillots, je toussote comme pour annoncer mon discours. L’instant est doux. Je prie pour que mes mots soient justes, respectueux, portés par une bonne intention. Je me lance :
“Mon amour, tu es déjà ce que tu veux être. Si tu ne veux plus dire ou être juif, alors soit. Mais pose-toi une question : Est-ce parce que toi-même tu n’aimes pas cela ?
Ou est-ce à cause du regard des autres ?”
— Non maman, moi j’aime être juif. Ça ne me dérange pas. J’adore manger les pâtes bolognaise du shabbat. Et parfois, le couscous de mamie. J’ai bien quand on fait le motsi et qu’on doit un bout de pain à notre petit toutou. Et même si c’est long, j’aime faire la prière des bougies, et celle des mains.
— Ah bon ?
— Ben oui, c’est sûr ! Tu te rappelles, la dernière fois, quand on n’a pas mangé de viande pendant longtemps, pour envoyer de l’énergie aux personnes juives qui ont souffert ?
— Oui mon amour, la semaine de Aiguin, avant Tisha Beav.
— Ben j’étais fier, comme à Pessah quand on ne mange pas de pain.
— Je ne savais pas…
— Ben oui ! Moi j’aime être juif, en fait. Et j’aime Israël. C’est tout faux, ce qu’ils disent.
— Ah ça…
— Et puis, il y a Dieu. Moi, maman, je l’aime. Je l’aime très fort. Je sais qu’il m’envoie plein de miracles.
— C’est un privilège, mon cœur, de savoir nourrir ton lien avec ton âme et la Lumière. Et ce n’est pas réservé aux juifs, mais à toutes les personnes qui choisissent de partager l’amour, la beauté, la bonté dans ce monde.
— Oui, oui, je sais. Maman, regarde, un magasin Sanrio là-bas !
Inutile de préciser que nous avons fait un détour par Kuromi, My Melody et Cinnamoroll avant de rejoindre la voiture. Tu fais de moi ce que tu veux — et de mon portefeuille aussi.
La journée s’est déroulée sans encombre.
Une douche délicieuse, un bon repas. Tu n’as même pas râlé en remplissant les deux pages de ton cahier de vacances. Moi, j’ai avancé sur mes projets, le nez plongé dans mon Mac jusqu’à 19h30.
Au moment d’aller au lit, tu as cligné de tes yeux malicieux. J’ai cédé, t’invitant à dormir avec moi dans ce grand lit de deux mètres que j’occupe trop souvent seule.
Je t’ai embrassé le front
et répété pour la centième fois que je t’aime. Et toi, dans un souffle mêlé de peine et d’espoir, avant de plonger dans le sommeil, tu as murmuré :
“Maman, je vais rester juif. Comme Moïse, et comme Jésus. Je vais aussi continuer d’être moi. À aimer tout le monde. Et à m’aimer moi aussi. Surtout. Tu sais pourquoi ? Parce que je suis certain qu’un jour…


