En septembre où seras-tu ?
“ A la plage !!! ” hurle Beatrice.
Beatrice est ce que l’on peut appeler une “Beach addict”. Comme elle aime à le répéter : ce n’est pas une passion, c’est un état d’être. Le bruit des vagues, l’odeur du sable qui baigne au soleil, le gout iodé de l’eau sur ses lèvres, les boucles qui naissent dans ses cheveux apres chaque baignade, la sérénité qu’elle ressent de manière continue lorsque l’été arrive. Chaque jour, elle cueille le plus beau coquillage du bord de mer, l’embrasse puis le libère. Il a le droit de vivre sa vie au grand air lui aussi. Elle affiche un large sourire. Il est greffé à son visage béat de bien-être. Elle vit chaque jour comme un joli cadeau.
Elle a toujours rêvé de vivre au bord de l’eau et c’est chose faite depuis quelques années. Elle a quitté Londres et sa vie à mille à l’heure en finance pour ouvrir un restaurant aussi healthy que branché à Lisbonne. Il a 7 ans, elle vivait son premier burn out. 1 an plus tard, elle entrait dans une dépression silencieuse. Le rythme était tellement intense mais elle s’accrochait. Gagner de l’argent, faire comme tout le monde, espèrer etre comme tout le monde un jour.. cela n’avait pas fonctionné si bien que ca. Elle savait que sa vie était à l’opposé de ses rêves et de ses désirs. Jamais elle ne fonderait de foyer ici. Londres c’etait sa ville. Elle y est née. Elle y a grandi. Et si la ville est sublime, elle ne s’y sentait pas chez elle. C’est étrange la sensation de ne pas etre au bon endroit alors que tout est familier. De manière rationnelle, cela n’a aucun sens, passer sa vie dans un endroit que l’on connait par coeur, que l’on aime mais dans lequel on ne veut pas avancer, construire, vieillir.
Quel gâchis. Ce n’est pas raisonné ni raisonnable, se répétait Beatrice. Il y a juste quelque chose qui cloche. Tu vas grandir et oublier ses rêves d’horizons paisibles. Ta famille est ici. Tu es chanceuse, tu as un job, un bel appart, des amis. Tu fais la difficile. Que veux-tu fuir au juste ?
Elle se trompait sur toute la ligne et se terrer dans un mal-être qui la rongeait. Elle ne cherchait pas à fuir mais plutôt à se trouver.
Et puis un jour de mars 2020, le Covid 19 est arrivé.
Des gens sont morts, beaucoup trop. Ses proches n’ont pas ete touchés. Heureusement.
Elle a travailé les premiers temps confinés. Ses journées étaient encore plus longues qu’au bureau. Beatrice était un robot et elle ne pouvait échouer. Enfin… jusqu’à ce qu’elle fut congédiée parce que l’entreprise ne tenait plus à flot.
Le temps devint son pire ennemi. Etre forcée de regarder ses choix, ses peurs face au manque, face à l’échec, face à la perte d’une activité qu’elle n’aimait pas plus que ça.
Etrangement, son corps lui se reparait.
Elle dormait de longues nuits, les poches sous ses yeux diminuaient de semaine en semaine. Le rose poudré qui illuminaient ses joues enfant réapparaissait. Elle se regardait dans le miroir et appréciait son reflet. Elle retrouvait l’appétit pour les choses saines et les moments conviviaux. Elle passait du temps du des app de rencontres parce qu’il y avait du temps libre et donc plus d’excuses.
5 semaines plus tard, un grand soulagement se fit sentir. Le ménage avait ete fait. Plus de train train, de courses dans tous les sens, de tube (le métro anglais), de rendez-vous, de réunionnite aigue, de journées interminables au bureau, de conversations hypocrites avec des personnes qui lui donnaient des boutons, plus de pressions sociales. De l’air ! De la liberté !A la place, le temps de rire, de faire des siestes, de faire du sport, de parler à ce garçon rencontré sur Happn avec lequel elle se sentait tellement à l’aise. Et du temps pour cuisiner. Essayer des recettes, les peaufiner, les déguster dans culpabilité car faite avec de tres bons ingrédients par ses soins ! Elle prit l’habitude de faire 2 tournées de livraison par semaine : ses parents, ses amis et les hôpitaux à la ronde étaient ses meilleurs clients et ses plus grands fans ! Ou avait-elle caché ses talents de chefs tout ce temps ?
Ce qu’elle préférait ? Les plats de poissons et fruits de mer. Cela lui rappelait les vacances sur la Côte d’Azur, ses meilleures tables et ses repas favoris ! Dorade royale grillée, bar rôti, mérou en brochette à la provençale, la bouillabesse aux rouget avec rouille, gambas ail & persil, calamar sur feu de bois, les moules au vin blanc, tempura de crevettes, de la langoustine fraichement pêchée, des seiches à la sauce verte. Elle s’était même régalée à faire des repas en voyageant de part le monde et avec les saisons. Brandade de morue, sole meunière & alligot, dos de cabillaud gratiné, couscous de tête de mérou avec boulettes et piments grillés. Elle s’était aussi découvert une passion pour la préparation du cru et semi-cru. Ses spécialités : le thon tataki aux chili flakes, le classique saumon mariné à l’aneth, le ceviché de flétan à la passion.
Elle passait des commandes hebdomadaires au poissonnier qui la livrait. Son père avait dégoté cette combine en or la 3ème semaine de confinement.
5 ans ont passé depuis son déconfinement.
En juillet 2020, elle vendait son appartement, partait seule et tremblante à l’aventure. Premiere destination Lisbonne au Portugal. Elle y allait pour découvrir, pour voir la mer, pour gouter ces plats de poissons que ses amis lui avaient décrits. Elle y allait aussi pour rencontrer Pierre. Un francais qui s’était installé 3 ans plus tôt là bas et qu’elle avait rencontré sur Happn. Ils avaient échangé tous les jours depuis fin mars… et le courant passé. Amis, amants ? Peu importe. Elle avait decidé de laisser la vie la porter.
Et quelle belle idée, ce fut.
En se balançant sur la plage à son arrivée, sa premiere rencontre fut celle d’une bâtisse à louer au bord de l’eau. Comme si elle la reconnaissait, Beatrice sentit son coeur gonfler de joie. Elle était à la maison. Elle composa le numero de telephone indiqué sur le panneau et tenta avec brio de prendre rendez-vous pour une visite des lieux l’heure qui suivit. Heureusement que la dame au telephone parlait un peu anglais et beaucoup espagnol !
Une visite, une signature.
Beatrice avait assez de cote pour louer cet endroit pendant 1 an. Pas de voyage. Elle était arrivée à la maison.
Le lendemain soir, elle rencontra Pierre. Et comme son futur restaurant, l’évidence était au rendez-vous. Elle emménagea chez lui une semaine plus tard lorsque sa réservation d’hôtel toucha à sa fin. Il se marierent 1 mois tout rond plus tard.
Depuis, Beatrice se lève chaque matin en se sentant chez elle et en accord avec elle même. Elle n’est pas la reine de la finance, n’a pas de penthouse dans le centre de Londres. Pas la peine. Elle n’en avait jamais voulu pour commencer. Elle a bien plus. Face à l’ocean, elle se plait à concocter des petits plats dont raffolent ses habitués, les touristes du coin et sa jolie famille !