15 ans, le 15 décembre.
Enfin, nous y sommes. Voilà déjà ce tournant, et pourtant j’ai l’impression qu’il est arrivé il y a bien longtemps. Epykomène a vu le jour à Paris et a grandi à travers le monde. Elle entamera donc sa 16ᵉ année d’exercice et, pour être honnête, je n’en étais plus certaine.
15 ans, c’est long et à la fois si peu lorsque le sens demeure. Depuis quelques années, j’ai levé le pied sur le conseil. Et parce que je n’ai jamais vraiment quitté mon rôle de consultante, Epykomène a, elle aussi, ralenti.
J’ai d’abord arrêté la gestion de projets en 2018. Puis, en 2021, j’ai décliné des missions de formation et de stratégie de marque. Je ne m’y retrouvais plus — essentiellement parce que je n’en avais plus envie. J’ai toujours eu du mal à faire des choses dans lesquelles je ne trouve ni motivation profonde ni véritable contribution.
Je me suis longtemps réfugiée derrière l’excuse de consacrer plus de temps à mon enfant. Cela ne m’a pas empêchée de travailler. La vérité, c’est que je n’ai pas laissé Epykomène grandir — je ne voulais pas couper le cordon, ni laisser à d’autres le champ libre pour gérer les projets ou la relation client. Je n’ai pas voulu non plus devenir une gestionnaire d’entreprise, à superviser des équipes et des budgets, loin du conseil et de la formation qui m’animaient tant. J’ai adoré le faire, jusqu’au jour où l’envie s’est essoufflée. Parce que, finalement, ce n’était pas mon désir premier.
Vais-je arrêter de transmettre ? Jamais.
J’adore aider. Mais ce que j’aime par-dessus tout, c’est voir les gens et leurs marques réussir. Je me passionne à décrypter les stratégies et les actions à mettre en place pour les accompagner jusqu’à ce qu’ils deviennent autonomes et célèbrent pleinement leurs créations. Comme la professeure que je suis devenue alors que j’étais encore moi-même sur les bancs de l’école, ma mission est d’être un soutien temporaire — plus ou moins long — jusqu’à ce qu’à la fin du programme de conseil ou d’éducation, l’étudiant, le stagiaire ou le client s’envole de ses propres ailes.
Et l’on peut faire tant de choses en aidant le temps d’un temps, en restant derrière, en coulisses, là où se jouent les décisions, les révélations, les déclics. C’est souvent dans ces espaces invisibles que l’on apporte le plus : où l’on transmet sans imposer, où l’on élève sans s’exposer. C’est un rôle qui me ressemble — discret, essentiel, profondément humain.
Tout cela est très beau, mais en termes de business model, cela ne crie pas la pérennisation d’une agence. Je comprends, je le conçois. Et je préfère ajuster l’activité de mon entreprise plutôt que d’en faire une béquille de conseils et de services dont on ne pourrait plus se passer pour grandir. Je ne veux pas créer une dépendance que je considère comme malsaine. Grandeur d’âme ? Peut-être. Ou simplement la fidélité à mes valeurs : liberté, indépendance et ambition. Je ne dis pas que ceci est meilleur que cela. Je dis simplement que je me connais — et qu’Epykomène est à mon image.
Cela fait déjà quelque temps que je sais qu’il faut évoluer… ou se dire au revoir. J’ai cru que la seconde option m’apporterait un soulagement. Je me trompais. Changer ne signifie pas mourir. C’est tout l’inverse.
En 15 ans, Epykomène — ses collaboratrices, ses collaborateurs, et moi-même — avons géré plus d’une centaine de missions avec cœur, expertise et succès. Nous avons vu des associés se séparer, des concepts être étouffés avant de naître. Nous avons aussi participé à des créations et des relances de marques féériques, à des levées de fonds fluides et porteuses, à tant de créations de départements, de recrutements, d’expansions de locaux et d’envols magnifiques.
Epykomène a une si belle histoire
— inspirante, vivante, profondément humaine. Comment pourrais-je vouloir qu’elle s’arrête là ?
Pendant que dans ma tête tout s’entremêle, le chemin apparaît pourtant clairement. Je l’ai entrevu bien des fois ces dernières années, et je l’ai chaque fois abandonné. Pas parce qu’il n’était pas brillant, mais parce que le timing ne l’était pas. Tout est souvent une question de moment juste. Je suis heureuse de ne pas avoir précipité les choses.
Alors, que vous dire au final ?


